Venise Verticale, Fulvio Orsenigo

« S’il n’est pas rare que les petits canaux intérieurs de la ville soient si calmes que l’eau en devienne miroir, ce serait pure fantaisie d’imaginer en revanche qu’il en soit de même dans les canaux plus larges : les eaux sont troublées par la navigation – même aux heures les plus profondes de la nuit -, battues par le vent ou la brise de mer, mues encore par le ressac délicat engendré par la lune, venant se perdre sur les berges qui repoussent la vague, une fois de plus, en un mouvement continu. Dans la Sérénissime, un souffle se déplace et ne s’arrête jamais : tantôt lent et posé tel celui du dormeur, tantôt syncopé et haletant à l’image d’un marcheur pressé. Imprévisible est la suspension de ce souffle… suspension qui arrête tout, dans laquelle nous-mêmes suspendus nous contemplons, stupéfaits, l’image impensable qui surgit alors sous nos yeux. Mais aussitôt l’œil – cet architecte qui façonne et compose l’espace – impose sa vision, sa grille de lecture implacable : apparaissent alors les coulisses d’une Venise suspendue et offerte par les eaux du canal. C’est au travers de ces failles verticales, ces fractures du tissu urbain, que s’offre à nous l’image d’une Venise suspendue entre deux abîmes noirs. » Fulvio Orsenigo